Gaspésie human less est un projet photographique en trois parties. Ce travail en duo est né de la volonté de D. Cyr de faire une recherche visuelle sur sa région natale. L’approche est d’abord artistique : découvrir la beauté dans ce qui semble en être dénué en captant les lignes graphiques, les couleurs et les textures. Même si l’esthétisme est la charpente du projet, au fil du travail, la conscience d’un geste documentaire, anthropologique et sociologique s’impose. Les styles photographiques des deux photographes, qui au départ étaient facilement différentiables, s’associent dans la deuxième partie jusqu’à s’unir totalement au terme de la trilogie. En plus des photographies, chaque partie prend également la forme d’un livre d’artiste accompagné d’une trame sonore et d’un film photographique. 
La prise de vue de la partie I a été réalisée en novembre 2010 et répertorie cinquante maisons abandonnées le long de la route 132 de Ste-Flavie à Ste-Flavie, une boucle de 800 kilomètres. Chaque maison est photographiée dans son ensemble : de près pour saisir ses détails et de loin pour la situer dans son environnement. La lumière ambiante a été photographiée de façon à accentuer l’atmosphère mélancolique et fantomatique qui régnait sur les lieux. Les détails captés par Ouellet viennent parfois confirmer l’état d’abandon et à d’autres moments nous dévoilent des scènes d’un quotidien interrompu et figé dans le temps. 

Murale | Collaboration Gaspésie human less X Patrick Forchild | Québec, 2021

Une pure merveille que cet ouvrage.
Une esthétique appliquée (pas gratuite comme on en voit trop souvent), pertinente, cohérente et fort signifiante.
Publié aux Éditions Cayenne en 2016, dont la maturité est désormais bien ancrée dans le milieu de l'édition photographique, "Gaspésie human less" regroupe des dizaines de photographies étalées sur près de 300 pages qui nous montrent et qui nous désignent du même souffle visuel, à la manière d'une respiration propre à la photographie, un vaste pan du territoire québécois abandonné; de Ste-Flavie à Ste-Flavie, sur 800 kilomètres de route, une suite de maisons laissées à l'abandon. Une seule aurait suffi si on avait choisi la rhétorique de la métonymie mais non, il faut frapper plusieurs fois sur le clou pour assurer l'efficacité du geste. Et quels gestes !Une seconde partie nous invite à visiter certains environnements de travail, aussi à l'abandon et une troisième, des gens qui ont vécu dans ce coin de pays, à travers des portraits et des portraits de portraits…La question sous-jacente est celle de l'occupation du territoire de cette partie d'un pays encore flou. L'abandon est bien sûr signifié par l'allure des bâtisses photographiées, mais aussi par le choix de certains détails, dont ces compteurs électriques désormais coupés de tout lien avec l'extérieur ou encore ces ciels minutieusement détourés et d'où la transcendance est désormais absente.On sent le Walker Evans de Cuba, les détails architecturaux en gros plan d'un Aaron Siskind par exemple, et aussi une suite, pour ainsi dire, de "l'Album de famille des québécois 1870-1970" (Éditions Québécoises) de 1972.Si ce livre est représentatif de ce qui se passe actuellement chez nous en photographie, l'avenir s'annonce radieux.
 Les photographes responsables de cet objet lumineux sont Yana Ouellet et Guilllaume D. Cyr.
 Bravo aussi pour le design graphique et la qualité de l'impression !
- Jean Lauzon -